« … dominant ainsi l'atmosphère grossière dans laquelle nous vivons. »
Ce monsieur me semble dès le prime abord ‘ampoulé’ !
« (nord-easters, comme disent les Anglais). » Ah ! N’est-ce point ‘north’ ?
« … je suis fort las de mon métier d'astrologue. »
Il dit la bonne nouvelle ?
Pas de chiromancie en sus ?
« Ce préambule, qui n'a rien d'obscur étant bien établi, il suffit de dire que le soleil parcourt chaque année, au travers des étoiles, une ligne oblique, suivant les constellations du Zodiaque. Il passe successivement au travers du Bélier, du Taureau, des Gémeaux, du Cancer, du Lion, de la Vierge, de la Balance, du Scorpion, du Sagittaire, du Capricorne, du Verseau et des Poissons. En juin, le soleil est dans le Taureau et dans les Gémeaux, au milieu d'étoiles boréales qui ne se couchent que pendant huit heures. Il nous donne donc des jours de seize heures.
De même, quand il sera en septembre dans la Vierge dont les étoiles se couchent pendant douze heures, il fera les jours égaux aux nuits comme il les a faits en mars quand il était au milieu des étoiles des Poissons qui de même sont levées pendant douze heures et couchées le même intervalle de temps.
Enfin, en décembre, où le soleil sera parmi les étoiles du Sagittaire, qui ne se montrent chaque jour que huit heures, nous aurons des jours ou journées de huit heures et des nuits de seize heures. »
Mon horoscope ne dit pas autre chose !
« En résumé l'ouvrage de M. de La Gournerie, qui ne suppose aucune notion élevée de mathématiques, sera utilement étudié par tous les artistes. C'est une alliance entre la sévère géométrie et la capricieuse imagination, qui acceptera un guide capable de l'éclairer sans l'entraver.
Je finis en réclamant pour la physique comme pour la géométrie une part dans les moyens d'exécution du bel art de voir et de faire voir, c'est-à-dire de peindre.
Babinet de l'Institut. »
Ah ! je comprends mieux, il a fait l’école du rire !!!
Pierre, tout ça ce sont des vieilleries qui fleurent l’humide et le ranci !
Ce monsieur de l’institut qui prétend savoir tout de tout ne sait rien de rien et se gonfle la citrouille en pensant à ses propres mérites qui ne sont que verbiage gâteux.
J’en veux pour principal exemple ce petit bout de phrase : « En résumé l'ouvrage de M. de La Gournerie, qui ne suppose aucune notion élevée de mathématiques, sera utilement étudié par tous les artistes. » Autrement dit : ‘utile aux cons !’
Voyons maintenant ce qu’en pense tata Baluchon ?
Les aventures extraordinaires
de
Tata Baluchon
Épisode 11 – Tata Baluchon se lance dans la généalogie
Brrrrr il fait frisquet ce soir … j’ai hâte d’être chez moi avec une soupe bien chaude et des petits croûtons au lard et à l’ail.
Ce crachin est gelé et traverse mes vêtements jusqu’aux os !
J’entre dans l’immeuble …. OHHHHH NONNNNNN !! pas ce soir !
Mais oui !
Elle est là, devant sa porte et je n’arrive pas à comprendre comment elle a pu savoir que j’arrivais ? Elle n’a tout de même pas attendu toute la soirée, je ne rentre jamais à la même heure !
« Comment y va mon p’tit monsieur du 3ème ? »
« Bonsoir madame Baluchon, il va très mal, il est trempé et gelé et il n’aspire qu’à se sécher et se mettre dans des vêtements chauds et secs ! »
Ignorant totalement mes desiderata, elle me lance :
« Dites ! y sait la dernière ? »
« Pas ce soir madame Baluchon, vous me raconterez ça demain … »
Elle s’est mise en travers de mon chemin, elle et ses cent dix ou cent vingt kilos.
« J’ai répondu à une annonce sur internet et je fais de la géolo …. géléo …. Bref, je recherche mes ancêtres ! Ca vous épate, hein ! ? »
« Non madame Baluchon, je voudrais que vous me racontiez ça une autre fois … »
« Il est pas poli, ce soir le p’tit monsieur du 3ème, y m’envoie me balader, c’est ça ? »
Elle a pris son air des mauvais jours avec sa trogne renfrognée et sa voix menaçante …
« Mais il va être bien surpris quand je vais lui annoncer de qui je descends … »
Elle attend voir l’effet que ça me fait …. Mais je le sais bien de quoi elle descend cette satanée guenuche !
« Je descends soit d’un grand peintre de la Renaissance italienne soit directement des Borgia … »
Elle pourrait bien descendre de n’importe quel cocotier, ça ne me ferait pas plus d’effet que ça !
« En fait, un doute subsiste encore …. Ce qui est certain c’est qu’on a retrouvé un de mes ancêtres dans les archives du Vatican à Rome. »
Je commence à greloter, ça c’est vraiment très mauvais signe !
« Il va falloir que je m’y rende pour vérifier et je me ferai accompagner de mon coach en génalo … génola …. Enfin, bref, de mon coach ! »
« Bon, ben alors vous me tiendrez au courant … moi, faut que je me réchauffe, je commence à greloter, vous voyez ! »
« Ca ne vous fait pas rêver, vous une histoire comme la mienne ? Moi, la concierge d’un immeuble en plein Paris je suis en fait la descendante des Borgia ou d’un grand peintre comme Botticelli ou Rembrandt … »
« Il était pas Belge, Rembrandt ? »
« C’est une aventure extraordinaire et je vais aller me rendre à Rome pour consulter les archives du Vatican et trouver mes ancêtres … je vais sûrement devenir très riche, c’est mon coach qui me l’a dit ! »
« Dites, vous ne craignez pas que ce soit comme un genre d’arnaque votre histoire ? »
« Dites donc, il a qu’à me traiter de cruche pendant qu’il y est … et pourquoi pas de débile ou de tarée ! »
Ouille je l’ai mise en colère !!! J’en oublierai presque le froid qui refuse de passer …
« J’ai pas dit ça … mais …. »
« Y s’rend compte ce petit monsieur à qui il parle ? Une descendante des plus riches familles italiennes, une héritière cachée, une future comtesse ou duchesse …. Cet immeuble, je le rachèterai et je deviendrai votre propriétaire et j’aurai un chauffeur et j’engagerai une concierge et il faudra qu’elle fasse bien son boulot, parce que moi je m’y connais en conciergerie … »
Elle me toise de sous mon menton et elle fait l’imposante …. Pour être imposante, ça on peut dire qu’elle l’est !
« Et vous partez quand ? »
Ouf, ça la calme grave !
« Je sais pas, j’attends que mon coach m’envoie mon billet. »
« Vous partez en train ? »
« Mais non, bien sûr que je pars en avion, je suis trop impatiente de découvrir mes origines ! »
« Vous n’avez pas connu vos parents ? »
« Ben si … mon père était coiffeur à Belleville (Serge Reggiani) et ma mère concierge rue Saint Denis, mais ça veut rien dire, si ça s’trouve ils se cachaient pour pas qu’on les reconnaisse ! »
« Et vos grands parents ? »
« Mon grand père est mort dans les tranchées et ma grand-mère s’en n’est pas remise ! »
« Madame Baluchon, vous êtes certaine que vous allez pouvoir consulter les archives du Vatican ? »
« Alors ça lui reprend, il me traite de ‘dinde’ ! ?
Mais je vais vous le montrer, moi, le contrat … »
Elle entre dans sa loge comme une furie et en ressort toute furieuse.
« Et ça, c’est du boudin de Saint Romain, peut-être ! ?
Tout est là !
Les recherches sur mes ancêtres, le vol pour Rome, les frais du coach …»
Elle me tend le papier …. Comment refuser ?
Et je lis :
Entre madame Baluchon, concierge de son état et monsieur Ribouldingue, coach en généalogie est établi le contrat suivant par lequel madame Baluchon s’engage à payer les frais de monsieur Ribouldingue pour les recherches déjà effectuées et à faire l’avance des frais de voyage jusqu’à Rome en avion pour aller consulter les archives du Vatican.
En conséquence, madame Baluchon signe en bas à droite avec la mention lu et approuvé et remet en main propre à monsieur Ribouldingue la somme de cinq mille euros en liquide. »
Je ne sais trop quoi dire ? … elle va sentir ma gêne …. Vite, prendre l’initiative … Je ne peux tout de même pas lui dire le fond de ma pensée ... on va y passer la nuit ...
« Bon, ben je vois que c’est une affaire rondement menée ! Je vous félicite madame Baluchon et j’espère que tout ira bien ! »
Je lui rends son papier et, miracle, elle me laisse partir très satisfaite de sa prestation !
Je suis bien, au chaud, un petit whisky à portée de main et la zapette dans l’autre … je m’endors dans le canapé !
Ouille j’ai attrapé un torticolis à dormir en chien de fusil dans ce canapé trop petit !
C’est samedi, j’aurais pu faire la grasse matinée …. Bon, c’est pas grave, je passe un survêt et je vais aller m’acheter des croissants bien chauds !
C’est en revenant avec mes croissants que je trouve madame Baluchon en grande conversation avec le propriétaire du 5ème gauche, un type bizarre qui ne semble pas travailler et qui est pourtant bien habillé et même pomponner … Après tout, chacun vit sa vie comme il l’entend !
Toujours est-il qu’elle est en train de lui passer un savon et qu’il a l’air penaud avec son menton sur sa poitrine et ses yeux fixés sur la pointe de ses godasses en ‘crocro’ !
« Ah ! monsieur du 3ème, vous tombez bien, vous allez me servir de témoin contre le monsieur du 5ème qui se moque de moi et de mes origines … »
« Mais pas dut tout … j’émettais simplement un doute sur ….»
« Un doute sur mes ancêtres, c’est ça ! ? Parce que évidemment, une concierge qui descend d’un grand peintre italien de la Renaissance comme Dali ou Rubens, ça vous embête bien grave, ça vous rabaisse, ça vous … »
« Quel doute ? »
Me contente-je de demander.
« Ben ce contrat, j’ai l’impression que madame Baluchon a pu se faire avoir … il n’y a aucune adresse et le paiement en liquide … »
« Et alors ! ? »
Elle gronde, elle tonne, elle pète la concierge …
« Ca aussi ça vous dérange que j’ai un petit pécule de côté, toute ma vie que j’ai économisé centime après centime pour ces 5000 euros, je les ai pas volés, faut me croire ! »
Un silence.
« Il doit vous contacter quand ce monsieur Ribouldingue ? »
« Ben …. Dès qu’il a les billets … pourquoi ? »
« Et vous lui avez donné quand les 5000 euros ? »
« Il y a trois jours, pourquoi ? »
Et sa tête se décompose …. se déconfit ….. s’affaisse, se teinte d’un rouge si écarlate que l’entrée de l’immeuble s’enflamme de cette couleur …. Elle éclate dans un hurlement qui retentit jusqu’au gargouilles de Notre Dame !
« Putain ! si jamais ce trouducul m’a fait ça je le bute de mes propres mains, je le déchire, je l’écrabouille, j’en fais de la purée …. »
« Calmez-vous madame Baluchon … »
Plus facile à dire qu’à faire, elle continue de vociférer ….
« Je le prends par les couilles et je lui fais bouffer, je lui fourre mon balai dans l’cul à ce bandit à ce salaud à ce … »
« Madame Baluchon, vous feriez mieux de réfléchir à comment le retrouver, il faut prévenir le commissaire, il vous a à la bonne et il va tout faire pour retrouver votre argent en remontant jusqu’à votre escroc par internet ….. »
Le temps continue de fraîchir et le thermomètre est en berne. Les trottoirs luisants de la capitale n’incitent guère à musarder, tout le monde se dépêche de rentrer chez soi, bien au chaud ….
Je l’aperçois en entrant dans l’immeuble, elle est dans sa loge, la porte ouverte pour épier les entrées et les sorties (first in last out) et en m’apercevant elle me fait un large sourire …. Pas très blanc le sourire …. Mais un sourire, c’est toujours mieux qu’une grimace …. Oui, bon, je me comprends !
« A y’est ! »
« A y’est quoi, madame Baluchon ? »
« On l’a retrouvé ! »
« Votre escroc ? »
« Voui ! »
« Et vos sous ? »
« J’ai perdu 1000 euros mais j’ai récupéré le reste, c’est mieux que rien ! »
« Ben dites donc ! Vous devez être contente ! ? »
« Oh voui !!! Et puis vous savez quoi ? »
« Non »
« Je vais investir … »
« Ah oui ? dans quoi ? »
« Dans le miel. Sur internet, ils disent qu’une ruche qui coûte 4000 euros peut en rapporter plus de 1000 par mois, je vais vite me renflouer ! »