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ripailles

  • Mal bouffe et compassion

     

    Dimanche 23 novembre 2008

    Mal bouffe et compassion

    J’ai mangé, bien que ça me soit interdit, des tripes à la mode de Caen.

    Et cette simple désobéissance m’a remémoré tant de souvenirs !

    Quand j’étais jeune, ma maman me disait :

    « Yfig, tiens, prends le porte-monnaie et va nous acheter trois kilos de tripes chez le boucher. »

    Les tripes, ça ne valait rien. Un vrai plat de pauvres.

    Les tripes, elles trempaient dans une bassine en inox et le boucher nous les pesait large, pour compenser les pertes.

    Les boyaux étaient entiers, ou presque.

    Il fallait les laver longuement et l’odeur était difficile à supporter.

    Il fallait les laisser tremper toute la nuit dans la saumure après les avoir coupée grossièrement.

    Ensuite, il fallait les laisser cuire dans la bassine sur le poêle à bois toute une journée.

    Enfin, on les cuisinait avec beaucoup de carottes et quelques pommes de terre.

    Et on en mangeait pendant au moins deux ou trois semaines.

    L’autre plat de pauvre dont nous nous régalions, c’était la langue de bœuf.

    Ca ne valait rien pas comme le foie ou les rognons qui avaient leurs lettres de noblesse !

    L’autre jour, je vois mon petit fils qui s’amusait avec son chat qui s’amusait avec une souris.

    Bien entendu, nous les adultes, ça nous révolte que des enfants filent un coup de main au chat quand la souris est sur le point de s’en tirer.

    Le gamin, lui, il ne demande qu’une chose : que le spectacle continue, c’est pour cela qu’il ne laisse aucune chance à la souris, alors que nous, c’est notre compassion et notre sentiment de justice qui dirige nos sentiments. Si la souris est plus maligne que le chat, et qu’elle sauve sa peau …. Pourquoi lui refuser ?

    Nous allons donc agir pour apprendre à notre enfant la compassion et tout l’bordel qui va avec. C’est ce qu’on appelle l’éducation « judéo chrétienne ».

    Quand j’étais môme, on élevait dans la petite cour, derrière la maison, des lapins et des poules et c’était moi le tueur.

    Nous donnions nos restes aux lapins et poules. Le pain rassis, les épluchures de légumes et même quelques coquilles d’œufs ou d’huîtres à Noël.

    J’observais avec curiosité la reproduction des lapins … c’était à la fois fascinant et lassant car si répétitif et rapide !

    Une fois, nous avons eu un coq, mais il était si agressif avec les poules, allant jusqu’à les blesser quand elles se refusaient, que nous avons fini par le manger, mais lui, c’est mon père qui l’a tué.

    Parfois, le samedi, ma mère me disait :

    « Yfig, tue-nous un lapin pour demain. »

    J’allais au clapier et je choisissais un mâle, parce qu’on gardait les femelles pour la reproduction et je le laissais pendre en le tenant par les pattes arrières de ma main gauche …. Quand il avait fini de gigoter comme un diable, je lui assénais un grand coup du tranchant de la main droite sur le cou, juste à la base de la tête.

    Parfois, ça faisait un craquement …. Ça voulait dire que j’y étais allé trop fort et que j’allais me faire engueuler par mon père qui ne supportait pas que l’on brutalise inutilement les animaux.

    Mais la plupart du temps, je tapais juste et il n’est arrivé qu’une seule fois que je dépouille un lapin encore vivant !

    Pour dépouiller un lapin, on lui attache une patte avec une ficelle qui est au mur. On fait une encoche, à l’aide d’un couteau bien affûté dans la peau de la patte attachée, puis dans l’autre patte et on coupe entre les deux jusqu’à ce que la chair apparaisse et que la peau pende de chaque coté du derrière. Là, on tire sur la peau à deux mains et la peau se décolle d’elle-même jusqu’à la tête, exactement comme on déshabille une femme ! (je blagueeeeeeeeeeeee !!!).

    En tout cas, il faut dépouiller à chaud, parce que à froid, vous risquez d’avoir beaucoup de mal à faire glisser la peau le long de la bête froide.

    Ma technique, à moi, c’était d’enfoncer le couteau dans le cul du lapin pour rejoindre l’encoche dans la patte. Ca facilitait largement le travail.

    Dans le temps, on gardait les peaux et on les revendaient au fripier quand il passait dans la rue en gueulant « peaux … d’lapins, peaux … d’lapins …. » tout comme le cardeur gueulait « ma…te…las,  so..mmier, ma…te…las, so…mmier,  ma…te…las ….. » ou le vitrier « vitrier, vitrier … ».

    Le fripier prenait aussi les peaux d’chats.

    D’autre fois, ma maman me disait :

    « Yfig, tue-nous un poulet (ou une poule), pour demain. »

    J’allais au poulailler.

    Le poulet, on l’accroche, mais par les deux pattes, à la corde qui sert à dépouiller le lapin. De la main gauche, on lui tient la tête en lui couvrant les yeux et de la main droite tenant le ciseau, on lui coupe d’un geste sec et rapide la langue au fond de la gorge et on s’éloigne vivement pour ne pas être arrosé de sang.

    Ensuite, il n’y a plus qu’à attendre qu’il soit vidé de son sang.

    Souvent, même mort, les nerfs s’agitent encore.

    Mais ce n’est rien à côté des grenouilles qui séparées de leurs pattes arrières continuent de crapahuter dans l’herbe sur leurs pattes avant.

    Toutes ces pratiques, bien entendu, ne se font plus à la maison. Il y a des endroits pour ça !

    Notre civilisation ne supporterait plus ces manières de sauvage.

    Mais je me souviens bien, moi, qu’en ce temps là, il ne nous serait jamais venu à l’idée de manger un lapin ou un poulet tué par quelqu’un d’autre sauf si on avait une confiance absolue en cette personne.

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