... tout le monde me comprend !
LettreOuverte aux Béninoises et Béninois - par Edgard GUIDIBI
Béninoises, Béninois, Chers frères et sœurs du Bénin,
En ce jour anniversaire de l'accession de notre pays à la souveraineté nationale et internationale, je suis ému et heureux de vous adresser mes meilleurs vœux de bonne et très heureuse fête, où que vous soyez sur la planète. 50 ans, ce n'est pas peu et je m'en voudrais de laisser passer cette occasion de m'adresser à vous, pour partager avec vous mon assurance, mon espérance et ma conviction, qu'ensemble nous devons et pouvons relever le défi du prochain cinquantenaire. Tout en rendant un hommage particulier aux Dahoméens et Béninois qui ont construit de leurs rêves, de leurs sueurs et parfois de leurs vies, la nation dont nous sommes aujourd'hui les héritiers, et tout en témoignant une sincère gratitude à tous nos aînés qui ont tissé de leur mieux la corde qu'il nous faut maintenant continuer de tisser, je veux particulièrement m'adresser aux générations montantes et à tous ceux qui estiment avoir encore assez de volonté, de force et d'énergie pour répondre à l'appel de « l'aube nouvelle » qui nous rappelle que c'est « debout » que nous bâtirons le Bénin de nos rêves.
A vous toutes et tous, qui vous sentez parfois perdus et découragés, à vous tous qui craignez de rêver et de bâtir en vain, à vous tous qui craignez que la fatalité ne finisse jamais d'être vaincue, à vous tous qui vous demandez si la terre béninoise n'est pas maudite, je veux maintenant redire ma conviction que l'espoir est permis et nécessaire, que le Bénin a de beaux jours devant lui, que le plus dur est derrière nous et qu'en cette année de Jubilé, le meilleur est à venir et surtout à construire.
L'avenir n'étant pas un lieu où nous allons, mais bien le lieu que nous construirons de nos rêves et de notre labeur, je crois que le moment est venu, pour nous de faire un état factuel des lieux, de nous poser les bonnes questions, d'adopter la bonne démarche méthodologique et de réunir toutes les conditions d'un développement digne de nos légitimes ambitions. La folie pouvant être définie comme la tendance à continuer de faire la même chose, tout en espérant des résultats différents, l'heure n'est-elle pas venue de comprendre nos échecs pour mieux sécuriser nos prochaines victoires? L'heure n'est-elle pas venue de regarder certaines vérités en face, pour changer le cours de notre destinée nationale?
Si je peux me permettre une petite contribution pragmatique, je voudrais d'abord attirer notre attention sur la nécessité d'un certain nombre d'ingrédients, sans lesquels, nous ne ferons certainement pas mieux que nos aînés, dont l'expérience déjà capitalisée ne nous autorise cependant pas à échouer de nouveau. Au nombre de ces ingrédients, je citerai essentiellement :
un leadership renouvelé, capable de nous faire rêver et de nous mener enfin vers la terre promise;
une vision ambitieuse mais réaliste, qui tienne compte de nos atouts, forces et faiblesses;
un management rigoureux et une bonne planification, seuls gages des meilleurs résultats attendus;
la restauration au cœur de nos paradigmes, des valeurs justes et incontournables pour toute réussite;
des solutions intelligentes aux actuels défis majeurs de la nation béninoise;
Pour ce qui est du leadership
Toutes les grandes nations et organisations doivent leur réussite à de grands leaders, qui se démarquent et s'illustrent par leur capacité à prendre en charge le peuple pour le conduire, sans populisme, mais contre vents et marrées, avec intelligence, humilité, sagesse et courage vers la terre promise. A défaut de vrais leaders, et confronté à une prolifération de faux leaders, brillant par leur égoïsme, leur mauvaise foi et leur incapacité manifeste à nous faire rêver par des solutions novatrices, les peuples sont condamnés à un surplace qui transforme les rêves les plus ambitieux et les plus légitimes en cauchemars douloureux et collectifs. Lorsqu'un peuple confronté à des défis majeurs, désirant prendre en main sa destinée pour en faire un chef d'œuvre, se retrouve confronté à une absence désespérante de grands hommes, capables de le rassurer et de relever efficacement et réellement le défi, n'y a t-il pas de quoi s'inquiéter? Et s'il est vrai que tous les peuples ont les dirigeants qu'ils méritent, et quelque part ceux qui lui ressemblent, comment nous assurer de devenir meilleur, pour faire émerger de notre sein, des leaders meilleurs? Continuerons-nous d'élire telle une loterie des hommes et des femmes, que nous n'avons pas pris le temps de connaître et d'éprouver? Continuerons-nous de laisser des clubs électoraux usurper le leadership national, lors des élections conçues pour légitimer leurs sordides ambitions au détriment de notre bien être collectif? Continuerons nous de choisir et d'essayer de nouveaux leaders, sans les connaître et sans nous être assurés que les mêmes causes ne produiront pas encore les mêmes effets? N'est-il pas temps de prendre le temps qu'il faudra pour choisir enfin de vrais et grands leaders? Je veux donc nous souhaiter de générer et de voir émerger en notre sein, ces braves hommes et femmes qui avec courage, intelligence, leadership, humilité et sagesse sauront enfin nous mener vers les terres promises. L'autorité que l'on a sur les autres étant toutefois proportionnelle à celle que l'on a sur soi-même, je souhaite à ces leaders que Dieu suscitera du milieu de nous, d'être des modèles dignes d'être suivis par chacun de nous. Quant à nous, que pouvons-nous d'autre que de prier pour leur avènement et pour que Dieu lui même les guide et les assiste tout au long de leur ministère national;
Pour ce qui est de la vision
Il n'y a pas de bon chemin pour celui qui ne sait pas où il va. On ne peut parler pendant 50 ans de développement sans jamais s'être entendu et avoir partagé ensemble une vision claire, précise, factuelle et réaliste du développement que nous rêvons de construire. On ne peut négliger d'intégrer nos rêves individuels dans le projet national tout en espérant mobiliser chacun de nous pour le construire. Je nous souhaite donc, pour le cinquantenaire à venir, de prendre le temps de clarifier nos rêves, nos visions et nos projets pour le Bénin.
Pour ce qui est du management efficace
S'il n'est vrai qu'il n'y a pas de pays sous-développé, sinon des pays sous managés, je souhaite que ce cinquantenaire nous offre l'occasion de restaurer le management rigoureux comme pilier nécessaire à toute réussite. Il ne suffit pas de vouloir pour pouvoir, et toute bonne intention ne devient une grande réalisation que si sa mise en œuvre est bien gérée. Le management est une cogitation d'hommes d'actions, c'est à dire de personnes qui agissent en réfléchissant et qui réfléchissent en agissant, sans rien considérer comme naturel et allant de soi. Pour gérer efficacement les affaires de notre cité, je nous souhaite donc de:
toujours prendre le temps de penser à ce que nous devons et voulons faire;
toujours nous donner tous les moyens de faire ce que nous avons décidé de faire;
toujours prendre le temps de repenser, dans une démarche d'amélioration continue, à ce que nous avons fait;
Pour ce qui est de nos valeurs et paradigmes
Nos vies et donc celle de notre pays sont le reflets de nos pensées et les produits de notre logiciel mental. Nos croyances, nos convictions, nos valeurs et les règles auxquels consciemment ou inconsciemment nous nous soumettons dessinent inévitablement notre destinée. S'il est vrai que tout système multiplie ce qu'il récompense et détruit ce qu'il punit, l'heure n'est-elle pas venue d'auditer nos systèmes organisationnels pour mieux en comprendre les ressorts? Que récompensons-nous aujourd'hui au Bénin? La vertu ou la malhonnêteté? Le courage ou la lâcheté? La vérité ou le mensonge et les flatteries? L'essentiel ou le folklore? Le patriotisme ou l'égoïsme? Ceux qui veulent réussir ou ceux qui sont jaloux de la réussite des autres et s'en prennent à eux?
Pour le cinquantenaire à venir, je nous souhaite donc un Bénin qui s'organisera pour récompenser les valeurs et attitudes propices au développement, tandis que celles qui nous enchaînent à la pauvreté devront être punies.
Pour ce qui est de nos défis contemporains
Pour ce qui est de nos défis, il appartient à nos leaders de les recenser, de les analyser et de nous aider à construire, pour chacun d'eux des solutions réalistes, pragmatiques, originales et consensuelles.
Sans avoir la prétention d'être exhaustive, et tout en faisant le choix délibéré de m'intéresser aux enjeux transversaux plus qu'aux questions sectorielles, je voudrais attirer nos attentions sur quelques-uns de ces défis qui me semblent majeurs pour la nation béninoise, en ce jour anniversaire de notre indépendance :
1- Nos mécanismes de sélection de nos leaders sont-ils les meilleurs? Nous assurent-ils d'avoir des leaders représentatifs, efficaces, visionnaires, vertueux, expérimentés et capables de relever les défis de la nation? Un Béninois capable d'apporter beaucoup à son pays mais qui n'a pas frauduleusement amassé de quoi financer officiellement et officieusement son élection, peut-il se retrouver en situation de nous offrir son savoir-faire? Sinon, que devons-nous faire pour bénéficier du savoir-faire des Béninois les plus valeureux et pas seulement des plus habiles dans la politique politicienne?
2- L'État et l'Administration de notre pays sont-ils conscients de tous les enjeux du développement? Réalisent-ils l'ampleur de ce qu'il y a à faire et des défis à relever pour y parvenir? Comment comptent-ils se mettre au service de la nation pour ne plus être perçus comme des acteurs inutilement budgétivores?
3- Notre système éducatif est-il aujourd'hui capable de fabriquer les Béninois dont nous avons besoin pour penser et construire le Bénin de nos rêves? Et si non, d'où espérons nous voir venir ceux et celles qui réussiront à édifier notre nation? Que faisons-nous pour que notre système éducatif (académique ou non) relève le défi de rendre disponible les ressources humaines, seuls piliers valables du développement?
4- Le patriotisme étant l'égoïsme des citoyens intelligents, sachant qu'il vaut mieux être pauvre dans un pays puissant, que riche dans un pays faible, comment relèverons-nous le défi du patriotisme? Comment démontrerons-nous à nos compatriotes qu'il n'y a rien de plus rentable que de s'investir pour assurer puissance et prospérité à son pays? Comment leur démontrerons-nous qu'il est plus facile de construire ensemble un pays prospère, que d'essayer de prospérer tout seul dans un pays pauvre?
5. La vie en société reposant sur des règles fixant les droits et devoirs des uns et des autres, avons-nous des chances de prospérer si, promptes à réclamer nos droits, nous oublions toujours nos devoirs? Comment nos droits pourraient-ils être garantis dans un pays si ceux qui doivent les assurer ne font pas leurs devoirs? Notre pays peut-il nous donner durablement, ce qu'aucun de nous ne s'empresse de lui donner?
6- A défaut de projets réellement fédérateurs, clairement exprimés et partagés de tous, où allons-nous ensemble? Sommes-nous sûrs d'atteindre ensemble la terre promise dont aucun de nous ne connaît le nom?
7. Comment vaincrons-nous la fatalité de l'union, sans laquelle nos forces émiettées sont vaines? Arriverons-nous un jour à travailler ensemble, main dans la main pour construire un avenir commun? Réaliserons-nous rapidement qu'ensemble nous gagnons beaucoup plus que tout seul? Comment y parvenir?
8- Rien ne se faisant naturellement en matière de développement, qu'en est-il de nos méthodes? Le règne de l'amateurisme, de la dévalorisation du professionnalisme, et du déni d'une rigoureuse méthode, peut-il perdurer? comment réhabiliter la méthode et la rigueur dans la conduite de nos affaires individuelles et collectives, dans un pays où tout s'improvise et se fait avec une négligence déconcertante?
9- Qu'en est-il de l'usage que nous faisons de nos ressources humaines et compétences? Continuerons-nous de laisser les cadres les plus expérimentés de notre administration au chômage technique ou au « garage » après leur avoir fait occuper de hautes fonctions politiques ou administratives? Que ferons-nous des milliers de cadres qui ont leur salaire sans être impliqué dans les activités de notre administration, alors qu'ils ont les compétences pour faire la différence? Il en est de même pour les impressionnantes ressources humaines de notre diaspora, du secteur privé et de la société civile que nous peinons à mettre en synergie pour le développement. Comment relèverons-nous ce défi de la mobilisation de nos compétences?
10- Continuerons-nous à vivre et à essayer de grandir sans égard pour notre passé, notre culture et notre histoire. L'amnésie collective et l'ignorance grave des générations actuelles sur l'histoire de notre pays sont-elles acceptables? Ne sont-elles pas de potentiels freins à l'édification d'un avenir crédible?
11- Qu'en sera t-il du déni de la vérité et de notre culture du mensonge ou de l'hypocrisie politiquement et socialement correct? Continuerons-nous de criminaliser le culot de dire la vérité, tout en applaudissant ceux qui ont « l'intelligence sociale » de mentir et de nous empêcher ainsi de poser les vrais diagnostics? A défaut de ces vrais diagnostics, avons-nous la moindre chance de saisir les vraies solutions? Ceux et celles, qui comme moi veulent oser de vrais diagnostics, pour contribuer à de vrais solutions, seront-ils comme toujours lynchés de tous bords, et accusés par les uns de soutenir les autres, alors qu'ils ont pour seul camp celui de la vérité et de la patrie? Bref, le culot de dire la vérité sera t-il toujours criminel au Bénin?
Le sujet étant trop vaste et le temps trop limité pour le vider, je voudrais m'en arrêter là pour vous renouveler mes meilleurs vœux tout en vous réitérant mon invitation et mon exhortation à une mobilisation générale, individuelle et collective, pour faire ensemble du cinquantenaire qui commence, celui de la réalisation de nos rêves les plus ambitieux. Que Dieu bénisse le Bénin et chacun de nous.
Edgard GUIDIBI
Consultant formateur et Expert Conseil
Management, Marketing et Développement Personnel