Vous avez remarqué que je ne suis pas très agité en ce moment !
C’est que je prends mon nouveau métier au sérieux et que je prépare l’avenir pour mieux vivre l’instant présent futur.
Oui, c’est vrai, à force de me projeter, je termine plus ou moins dans le mur. Bof ! j’ai la tête dure, comme tous les Bretons !
Cette histoire de notre exposition c’est un changement important de notre vie quotidienne.
C’est une motivation sans égale et un projecteur qui nous donne de jolies couleurs.
Mais le revers de la médaille, c’est le possible ‘floc’ de notre travail, une remise en question, une nouvelle fois, des valeurs appréciées des acheteurs de croûtes et de notre habileté à répondre à ces valeurs.
A contrario, un succès impliquerait à plus ou moins long terme une production simili industrialisée et consistant en la répétition itérative de la ou des œuvres recherchées.
Oui, il y a de quoi se prendre la tête dans un étau et se la serrer jusqu’à ce que ces vilaines pensées en soient expurgées.
Hélas, j’ai la tête dure, comme tous les Bretons et je risque fort de péter mon étau plutôt qu’autre chose.
Vous ne trouvez pas que la philosophie c’est, avant tout, l’art de rester jeune ?
Non, c’est pas ça ….. je ne me souviens plus très bien de la formulation de Onfray ?
Mais qu’importe … l’essentiel c’est de se lever le matin et se coucher le soir.
Oui, vous avez raison, je dérive insensiblement vers le thème de mon billet d’humeur.
C’est que je vois, à la télé, entends, à la radio, des intervenants de plus en plus nombreux, de plus en plus présents qui, par leur dialectique et leur vocabulaire, me rappelle étrangement les bureaucrasses que je côtoyais quand je traînais mes savates dans les arcanes de FT (France Telecom).
J’avais atterri dans ce sanctuaire de dinosaurus-rex à la suite d’un recrutement rocambolesque voire abracadabrantesque.
Disons, pour résumer, que le recruteur avait conclu l’entretien sur le constat que je finirai bien par servir à quelque chose dans cette boîte surréaliste.
Dès le premier jour, j’occupais mon temps à ne rien faire.
Il va me falloir, me dis-je, bien du courage si je veux tenir un peu en attendant de trouver autre chose ….
Et puis, au bout d’une semaine à errer dans les couloirs entre le bureau nommé ‘open space’ et la machine à distribuer des cafés dégueulasses, le chef finit par remarquer cette nouvelle recrue à l’air égaré et après m’avoir demandé de lui rappeler les éléments essentiels de mon parcours professionnel, il conclut que je serais l’homme de la situation pour classer les documentations qui s’entassaient en vrac dans trois grandes armoires en fer teinté de gris triste et moche.
J’avais quand même quarante six ans, c’était un peu difficile de repartir de zéro.
Le directeur, lui, avait eu l’idée saugrenue de lire mon CV et je fus bientôt convoqué dans son grand bureau cossu.
C’est comme ça que je me suis retrouvé bombardé directeur technique.
Cette fonction me conférait l’extrême privilège de participer aux comités des directeurs.
Et c’est ainsi que j’ai appris un nouveau métier.
J’ai en effet compris rapidement que la fonction de direction tient dans un concept très limité qui est celui qui consiste à survivre.
Un comité de direction à la Française a un ordre du jour très vague et jamais respecté.
De plus, il est planifié à une heure de début qui est toujours repoussée et une heure de fin sans fin.
Aux premiers comités, je venais avec mes dossiers et des arguments techniques détaillés pour présenter l’activité de mon service et démontrer les besoins en ressources.
Je fus surpris de constater que les autres venaient les mains vides et parlaient de tout sauf de leur service.
Bien entendu, en tant que nouveau au comité, je fus la cible de tous les autres directeurs qui s’acharnèrent à affirmer sans le moindre souci de début de preuve que leurs services subissaient la carence du mien.
Le plus surprenant de tout fut que, bien que personne ne puisse être dupe du fait qu’après une seule petite semaine de direction du service le plus désorganisé il ne faille pas s’attendre à un miracle, le directeur sembla apporter tout son crédit aux plaintes de mes confrères.
Lorsque vint mon tour de parole, sans rien demander à personne ni me préoccuper des infamies prodiguées à mon égard, j’allais au grand tableau et je commençais à expliquer les problèmes techniques qui rendais le projet instable et voué à l’échec, appuyant chacun de mes arguments par des schémas techniques et fonctionnels qui laissèrent tout le monde baba.
Sans attendre les applaudissements (ni surtout les coups), j’enchaînais sur les actions à entreprendre pour résorber la désorganisation générale et reprendre la main pour que tout le monde se retrouve sur pied.
Cette réorganisation entraînait des bouleversements importants sur les méthodes de travail et la mise en place de communications automatisées entre les services afin de faire cesser le petit jeu des « c’est pas moi c’est l’autre » alors qu’aucune trace de circulation de l’information n’était tenue.
Tout ce déballage s’étant déroulé dans le plus grand silence en raison de l’effet de surprise que j’avais surexploité, il s’en suivi après quelques minutes de silence estomaqué un vacarme soudain et agité.
J’avais eu l’impudence de ne pas respecter la règle du jeu dont j’ignorais tout.
Je m’étais attaqué à tous les autres directeurs sans distinction d’aucune sorte.
Après que les cris se soient quelque peu apaisés, le directeur qui était resté silencieux pendant toute cette agitation se leva ….. créant un nouveau silence et lança à l’assistance :
« Quelqu’un a-t-il un autre plan ? »
Bien sûr j’ai réussi à remettre tout en ordre dans la société et à faire de notre troupe une référence pour les autres sociétés du groupe ….. mais ….. dès la fin de cette réunion historique, les directeurs s’étaient ligués pour obtenir ma tête et pour cela, n’hésitèrent pas à dénoncer dans les plus hautes sphères du gouvernement le laxisme bolchevique dont le directeur général avait fait preuve en m’accordant sa confiance.
Il leur fallut deux ans pour parvenir leurs fins.
Il existe dans ces grands groupes Français, une tradition de solidarité de caste qui surpasse encore la tradition de se briser les uns les autres. Quand c’est toute la caste qui est menacée, les alliances se reconstituent jusqu’en haut de la pyramide.
Mais avec moi, ils étaient tombés sur un os véritable et lorsque le directeur général fut démis et qu’on me proposa une nouvelle fonction moins exposée …. J’étais déjà loin et je les ai abandonnés à leurs pratiques cannibales.
Et tout ça remonte en ce moment !!!
J’y ai pensé dès que j’ai entendu les premiers discours va-t-en guerre de notre bon président enamouré.
Et j’y pense à chacune des interventions de l’un ou de l’autre membre d’un grand ministère ou du porte parole de l’Elysées et même de certains journalistes très proches des rouages grippés et rouillés de l’état.
Leurs attitudes bravaches, leurs déclarations dénuées de tout fondement, de toute preuve de leurs affirmations gratuites et indigentes …… les inflexions crispées, les regards torves, les silences gênés, les marches arrières à marche forcée sur les promesses intenables et auxquelles les Français ont bien voulu croire comme des ovins avinés, le pouvoir d’achat qui n’intéresse plus personne, la police de proximité, la poudre à joues de Clara dans les yeux des Français et des journaleux, la justice traînée dans le ruisseau, la chasse aux clients douteux …. Tous les signes sont là !
Il accumule les ‘jalouseries’ des barons prétentiards et privilégiés et les envies de toutes les strates de l’état sur sa petite personne et j’imagine sans mal la cabale qui se prépare à son encontre ….
Tout cela finira dans une apothéose politicodramaticomicopsychédélique.